En Mode Climat: changer les lois pour que le secteur de la mode réduise son impact
En Mode Climat est une association française rassemblant plus de 600 acteurs économiques du textile. Picture en est un membre actif depuis plusieurs mois, il était temps de vous en parler.
À travers En Mode Climat, nous faisons le constat que le secteur textile ne pourra réduire son impact sur le climat et la biodiversité que si la loi oblige toutes les entreprises à changer leurs pratiques. La progression des marques engagées ne freine absolument pas l’accélération de la fast-fashion, voire de l’ultra fast-fashion. Un exemple ?
SHEIN (ultra fast-fashion) a été créée en 2008 et fait désormais plus de 10 milliards de CA par an.
PATAGONIA (considérée comme la plus grande des marques engagées) a été créée en 1973 et fait environ 1 milliard de CA par an.
Ce constat reflète une triste réalité: il y a un avantage économique à produire de manière irresponsable. C’est la fameuse « prime au vice » notamment dénoncée par la marque Loom, membre fondateur d’En Mode Climat. Pourtant les bonnes pratiques progressent, non ? Matières recyclées et biologiques, certifications, packaging réutilisable, nouvelles technologies de recyclage, etc ?
C’est vrai, mais c’est insuffisant. Toutes ces améliorations sont au niveau du produit, elles ne disent rien du modèle d’affaire des entreprises et de la consommation totale. Le climat, la biodiversité et les écosystèmes degradés se foutent d’une réduction relative de l’impact par produit. Ce qui est crucial, c’ est de réduire en valeur absolue.
Or, la dynamique de l’industrie textile est à l’exact opposé :
Entre 2000 et 2015 : +100% de volume de ventes de vêtements dans le monde alors que la population mondiale a augmenté de +21% sur la même période. Source: Ellen MacArthur Foundation.
Sur la même période : -20% d’usage des produits. Triste mais logique : on possède de plus en plus de vêtements, mais il n’y a pas plus de jours qu’avant pour les porter !
2.8 milliards de pièces TLC (textile, linge, chaussures) mises sur le marché français
chaque année.
Nous sommes 67 millions de Français.es, puis on soustrait les invendus… cela donne donc 35 pièces achetées par français.e par an, en moyenne, soit le double du niveau des années 90, période pré-fast fashion. Source: Refashion.
Illustration: Jeanne Baverey
Ainsi, si ce business as asual persiste, les émissions de l’industrie du textile augmenteront de 49% d’ici 2030 pour atteindre 5 milliards de TCO2e, soit l’équivalent des émissions annuelles des USA (Quantis, 2021.) Petit rappel: les émissions mondiales de gaz à effet de serre doivent diminuer de -43% d’ici 2030 pour maintenir la hausse de la température sous les +1.5°C.
Donc si l’industrie textile fait son petit + 49% pendant que l’humanité au global a besoin de -43%… il y a comme un problème.
Bref, En Mode Climat existe donc pour renverser la table et utiliser le cadre réglementaire : forcer les marques à faire moins et mieux. Pénaliser les plus mauvaises pratiques et encourager les vertueuses. Nous ne pouvons pas espérer que chaque entreprise du secteur textile fasse sa transformation si les lois ne changent pas.
Ainsi, avec les 580+ membres du collectif, nous utilisons notre pouvoir d’influence pour pousser des régulations qui obligeront tous les acteurs de notre secteur, nous y compris, à faire mieux.
Quels sont nos leviers prioritaires de réduction de l’impact ?
Nous, marques d’habillement, devons faire en sorte de réduire le volume total de vêtements mis sur le marché, relocaliser la production dans les pays où l’énergie (surtout l’électricitée) est moins carbonée, et favoriser le réemploi des vêtements usagés.
Attention, En Mode Climat ne néglige pas qu’une partie de la solution réside dans l’augmentation de la part des énergies bas carbone et dans plus d’efficacité énergétique. Mais ces deux leviers doivent être complétés par la baisse des volumes de production et par une sobriété générale.
Quelles sont les actualités d’En Mode Climat, les dossiers chauds du moment ?
Nous travaillons sur des futurs textes de lois et nous proposons des mesures transformatives au gouvernement. Certains mécanismes de régulations existent déjà (filière REP) et d’autres sont sur le point d’arriver (affichage environnemental) mais souvent, ils manquent d’ambition et ne permettront pas la réduction des volumes de production et de consommation.
Nous émettons donc des propositions pour aller plus loin. Quelques exemples:
1/ Méthodologie d’affichage environnemental & durabilité émotionnelle
Par ici pour voir la proposition d”En Mode Climat sur ce sujet. La notion de durabilité émotionnelle est capitale et réponds à cette question: à quel point changeons nous de vêtements parce que nous y sommes incités ? Renouvellement très rapide des collections, prix dérisoires, fortes stratégies de promotions, etc. ? Cette notion interroge donc le modèle d’affaires des marques et leurs stratégies commerciales. C’est essentiel de s’y intéresser de très près. Un tee-shirt à l’impact minimum perd tout son intérêt si la stratégie de la marque est de changer son design tous les 4 matins et de le “blackfrider” pour qu’il soit sur-consommé. Il ne peut donc pas être “bien noté” dans le cadre d’un affichage environnemental ABCDE (oui, comme les frigos!).
2/ Refonte de la filière REP (Responsabilité Elargie des Producteurs)
Par ici pour voir les propositions d’ En Mode Climat sur ce sujet. Il s’agit de mesures (bonus, malus, etc.) permettant la réduction des TLC (textile, linge, chaussures) mis sur le marché français, la croissance du réseau de réemploi et de réparation en France, et l’arrêt de l’exportation de nos “vieux” vêtements en Afrique. La France exporte chaque semaine 10 millions de vêtements vers des pays plus pauvres, comme le Ghana par exemple. Avec ses 30 millions d’habitants, ce pays reçoit 15 millions de vêtements chaque semaine, dont 40% finissent entassés dans des décharges à ciel ouvert. Elles débordent tellement que les vêtements partent dans les égouts et finissent par s’accumuler sur la plage et dans l’océan. Une pétition est en cours pour arrêter cela.
Illustration: Loom
Condition d’adhésion ? Quelles sont les pré-requis pour adhérer ?
N’importe quelle entreprise du secteur textile peut rejoindre le mouvement En Mode Climat à condition qu’elle adhère aux principes de cette charte.
Nous n’attendons pas des entreprises qu’elles soient toutes “irréprochables” pour être membre. C’est le système entier qui doit bouger. C’est exactement le même débat avec les engagements individuels pour le climat qui sont indispensables, mais qui dépolitisent le sujet si on ne parle que d’eux et qu’on les stigmatise. Par ici pour le formulaire d’adhésion.
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